Interview de Marie ROTA - Projet de recherches sur les plantes (2020-2021)

jeu, 03/26/2020 - 14:56 -- Nathalie ABSALON

En quoi consiste ce projet de recherche ?
Ce projet est né en 2018 suite à des discussions avec Jana Rocha Soria, ancienne doctorante de l’IRENEE, qui souhaitait organiser une exposition suivie d’un séminaire au jardin Botanique de Metz autour des plantes et du droit. Ayant toujours été séduite par le travail interdisciplinaire, je lui ai proposé de porter un projet à plus long terme, en constituant une équipe de chercheur.es intéressé.es par ce thème. Après avoir sollicité des collègues en sciences humaines et sociales ainsi qu’en sciences dures, nous avons cherché un thème nous réunissant toutes et tous. Comme l’interprétation et donc le droit vu comme langage est au cœur de mes recherches (ma thèse débute d’ailleurs par un poème de Fernando Pessoa relatif au langage de la Nature et à son interprétation par l’auteur), c’est assez naturellement qu’une recherche autour de l’écriture des plantes m’est apparue pertinente. Par ailleurs, tous préoccupés par les menaces environnementales qui pèsent actuellement sur notre planète, nous avons souhaité nous focaliser sur le caractère essentiel du rôle joué par les plantes. Elles ne présentent pas seulement un intérêt intrinsèque en tant qu’éléments vivants mais constituent aussi la base des autres règnes de vie (animaux, êtres humains), voire de la biosphère dans son ensemble grâce, notamment, à la photosynthèse. Le projet vise alors à valoriser le rôle des plantes au travers du procédé de l’écriture, qui consiste à fixer un message ou une information sur un support. Or cette valorisation peut s’effectuer au travers des sciences exactes, par l’écriture de traités sur la diversité végétale ou par l’inscription d’informations dans les gènes des plantes. Cette valorisation peut aussi prendre la voie de l’expression artistique : la littérature écrit dans un sens premier alors que d’autres arts le font par recours à divers supports (objets plastiques, tableaux, partitions, etc.). Enfin, la valorisation s’exprime dans le droit qui écrit le régime juridique des plantes, dans un code de l’environnement, dans des conventions internationales ou dans des jugements. Écrire les plantes en droit suppose cependant un effort de conceptualisation qu’il est possible de saisir au regard de ces autres formes d’écriture.


Avec qui travaillez vous ?
Notre équipe est constituée de dix chercheurs. Du côté des sciences exactes, nous travaillons avec Élisabeth Maria Gross, PR en Écotoxicologie, Biodiversité et Écosystèmes. Elle est spécialisée sur les plantes aquatiques et invasives et s’intéresse à la question du voyage de la plante. Alain Hehn, PR en biologie moléculaire et cellulaire, est quant à lui un végétaliste. Il travaille sur le métabolisme élaboré par les plantes pour qu’elles puissent se défendre (molécules contre traitement UV par exemple). S’agissant de l’expression artistique, Aurélie Michel, MCF en Arts et Sciences de l'art, mène une réflexion autour des manières de convoquer le langage scientifique de la plante pour se le réapproprier via une pratique artistique et Dominique Ranaivoson, MCF HDR en Littérature, travaille sur la mise en valeur de la représentation des plantes tropicales dans les littératures du Sud. Bruno MAES, MCF HDR en Histoire moderne, s’intéresse quant à lui à l'histoire de la médecine et de la pharmacie. Nous sommes enfin cinq juristes : Jana Rocha Soria, bien sûr, qui est constitutionnaliste, mais aussi Jochen Sohnle et Émilie Gaillard, spécialistes de droit public et privé (respectivement) de l’environnement, Maria Fartunova, spécialisée en droit de l’UE et moi-même.


Quelle valorisation envisagez-vous ?
Ce projet est pour le moment financé par la MSH durant une année seulement, alors que nous avions élaboré un budget sur deux ans. Cette première année (qui s’étale en réalité de mars à novembre 2020) est essentiellement centrée sur l’aspect interdisciplinaire de la recherche. Nous avons prévu deux tables rondes qui se tiendront à la fin de l’année, précédées de quatre workshops dont trois d’entre eux s’adossent à des expositions. Les deux premières auront lieu au jardin botanique de Metz, l’une en mai portant sur les graines et dirigée par Aurélie Michel, l’autre en juin sur Les plantes et le droit, portée par Jana Rocha Soria. La troisième consacrée à l’écorce de quinquina du Pérou, organisée par Bruno Maes, se tiendra à la BU Lettres en juillet prochain. Ces workshops et tables rondes ont pour vocation de construire un dialogue entre chercheur.es de différentes disciplines, via une méthode de travail spécifique, publiée sur le site internet dédié à la recherche.
Ce site internet est d’ailleurs en cours de construction avec la responsable de la communication de la MSH qui dispose de tous les outils nécessaires. Nous y publierons plusieurs choses : le projet scientifique, les comptes rendus de réunions, la note méthodologique, le calendrier du projet et des différentes rencontres programmées, les comptes rendus et retours sur image de chaque manifestation (avec renvoi vers Factuel) ainsi que les podcasts de chaque intervention.
Dans l’hypothèse où la seconde année serait également financée, un colloque interdisciplinaire est envisagé, ainsi que deux ouvrages distincts : l’un consistant en la publication des actes du colloque et l’autre en la publication des contributions écrites des workshops et tables rondes accompagné du bilan de la recherche. Enfin, un événement culturel de clôture autour de la présentation du bilan est également envisagé.


Et au-delà de ce projet ?
Si ce projet a avant tout pour objet de valoriser les plantes au travers de l’écriture, il implique aussi d’interroger ces modes de valorisation quant à leur résultat : sensibilisation croissante du public et de la conscience collective, élargissement des connaissances et du savoir-faire, interrogations autour de l’exploitation des plantes et renforcement normatif de leur régime protecteur. C’est pourquoi une large diffusion du bilan est aussi envisagée, tant au niveau scientifique qu’auprès du monde judiciaire et législatif, d’acteurs de la société civile et du grand public.

Marie ROTA - MCF en droit public IRENEE/UL

Catégorie: 
Entretien

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