Interview de Themistoklis RAPTOPOULOS, nouveau MCF à l'IRENEE depuis septembre 2021

mar, 10/12/2021 - 11:55 -- Nathalie ABSALON

Bienvenue à Themistoklis RAPTOPOULOS, nouveau maître de conférences en droit public à l'IRENEE depuis septembre 2021 qui a répondu à nos questions à l'occasion de la Newsletter #12 - Automne 2021.
 

1- Quel est votre parcours et quels champs d’études ont influencé vos recherches ?
Après mes études de licence et de maîtrise à l’Université Aristote de Thessalonique, en Grèce, j’ai réalisé un Master 2 de Droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. À l’issue de cette formation, et malgré mon intérêt pour les questions plus « théoriques » sur le droit, je ne savais pas encore si je voulais m’orienter vers la recherche. J’ai donc voulu de me donner une dernière « chance » pour me décider et, à cette fin, j’ai réalisé le Master 2 « Philosophie du droit et droit politique » à l’Université Paris II Panthéon-Assas. C’est dans ce cadre que j’ai pu rencontrer le Professeur Olivier Beaud dont les enseignements et les écrits m’ont décidé de sauter le pas et de réaliser une thèse sous sa direction. Ayant enseigné en tant qu’ATER et puis en tant qu’Enseignant-chercheur contractuel à l’Université CY Cergy-Paris, j’ai été qualifié aux fonctions de Maître de conférences en droit, ce qui m’a permis de joindre la Faculté de droit de Nancy.
Quant à mes travaux et projets de recherche, ils correspondent à mon intérêt pour le droit public général – qu’il s’agisse du droit constitutionnel ou du droit administratif –, voire à ma curiosité pour le phénomène juridique tout court, ce qui m’a amené à m’intéresser à des questions ayant trait, entre autres, aux droits et libertés fondamentaux, à l’histoire du droit ou encore à certains aspects du droit privé. S’il fallait toutefois raisonner en termes d’ « influence », je dirais que c’est la théorie du droit qui m’a le plus marqué, non pas tant dans le choix de mes objets de recherche, mais avant tout dans la façon d’aborder ceux-ci.


2 - Pouvez-vous nous exposer la problématique de votre thèse ?
Ma thèse porte sur "L’entrée en vigueur de la loi". Son ambition est de contribuer, à partir d’une analyse de cette institution apparemment technique qu’est l’entrée en vigueur, à une réflexion plus générale sur le concept même de loi. Cette démarche comprend deux volets. Le premier consiste en une analyse des données du droit positif relatives à la promulgation, la publication et les règles de droit commun déterminant les conditions et la date d’entrée en vigueur des lois. Ce travail de clarification, qui s’accompagne d’une remise en question de certains lieux communs en la matière (relatifs notamment au rôle de la promulgation et de la publication des lois), est suivi d’un effort d’explication, ce qui constitue le deuxième volet de l’analyse proposée. Il s’agit d’un effort de comprendre si, et de quelle manière, les données pertinentes du droit positif sont le produit ou la manifestation d’une certaine façon de comprendre la loi elle-même, voire d’une certaine conception de la normativité et de la légitimité de celle-ci.
 

3 - Quels sont vos projets au sein de l’IRENEE ?
Intégrer un nouveau laboratoire est une expérience dialectique : les nouveaux membres ont l’opportunité de participer à la fois à la continuation et à l’orientation des axes et des projets des recherche. Dans le cadre de l’IRENNE, l’accent mis sur les mutations et l’évolution des institutions du droit public et de leur action correspond tout à fait à mon intérêt pour la notion d’acte juridique en droit public, ainsi que pour les questions de normativité et de légitimité du droit. Ainsi, les deux sujets qui m’intéressent particulièrement en ce moment sont, d’une part, le concept de droit souple en droit administratif et, d’autre part, la question de l’absence, en France, d’une théorisation de la fonction normative et de l’individuation des règles et des principes en matière de droits et libertés.
 

4 - Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à nos jeunes chercheurs ?
Il est difficile de donner des conseils à d’autres chercheurs parce que le spectre de l’objection « fais ce que je dis, pas ce que j’ai fait » n’est jamais loin. Il est toutefois possible de retenir deux types de conseil qui sont dotés, à mon sens, d’une certaine valeur qui dépasse les mérites ou les défauts de celui qui les formule. Le premier conseil serait d’être lucide et réaliste quant à la situation, actuelle et future, de l’enseignement supérieur et de la carrière en son sein : si la recherche et l’enseignement sont, à mes yeux, davantage une vocation qu’une profession parmi d’autres, le choix de poursuivre cette voie doit être d’autant plus éclairée que les recrutements à l’Université se font rares et difficiles. Toutefois, une fois ce choix fait, je conseillerais aux jeunes chercheurs d’être ambitieux, curieux et exigeants. Ambitieux dans leurs objectifs, étant motivés par le désir de comprendre leur objet d’étude, et non simplement de le décrire, quitte à avoir à élaborer une nouvelle idée en la matière. Pour avoir ce désir il faut aussi être curieux, cherchant à l’élargir ses horizons par des enseignements tirés d’autres disciplines ou encore d’autres systèmes juridiques. Mais cela implique aussi de se méfier des certitudes et des lieux communs, ainsi que des arguments d’autorité. Enfin, il faut à mon sens être exigeant en termes de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, sans hésiter à soumettre à une appréciation critique non seulement les travaux existants mais aussi, et avant tout, ses propres analyses, en privilégiant la clarté et la précision à l’exercice de style, même si faire simple est inévitablement plus difficile que de faire compliqué. Mais il se peut que, en définitive, le seul conseil qu’il convient de donner aux jeunes chercheurs n’en soit pas vraiment un, tant il invite à une quadrature du cercle : il s’agirait de faire preuve, vis-à-vis de leur recherche, d’une insatisfaction chronique mais productive.

Catégorie: 
Entretien

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