Interview de Thibault Guilluy, nouvel enseignant chercheur à l'IRENEE

lun, 04/08/2019 - 15:45 -- Nathalie ABSALON



Son Parcours : Je suis, de manière presque caricaturale, un « produit » de l’Université Paris II Panthéon-Assas, dans laquelle j’ai fait toutes mes études de droit. Je suis d’ailleurs reconnaissant à cette Université d’avoir proposé, en Master 1 (Maîtrise à l’époque…), une filière droit public « théorique », dans laquelle j’ai pu suivre des cours d’histoire des idées, de théorie de l’Etat, etc… Cette année a été très précieuse pour moi et je me suis dès lors naturellement orienté vers un Master 2 (recherche) en « philosophie du droit et droit politique », dirigé à l’époque par les professeurs Stéphane Rials et Denis Alland. Les enseignements que j’y ai suivis ont été très marquants et décisifs. J’ai donc fait le choix de préparer une thèse sous la direction d’Olivier Beaud, qui devait initialement porter sur le fédéralisme britannique (post dévolution) et est devenue une réflexion plus large sur la manière dont le droit constitutionnel britannique a pu répondre à des aspirations contraires, l’unité et la diversité, depuis les débuts de l’Empire jusqu’au XXème siècle. J’ai eu la chance de pouvoir préparer cette thèse dans un cadre de recherche privilégié, celui de l’Institut Michel Villey, entouré d’amis qui sont d’ailleurs aujourd’hui des collègues. Après avoir soutenu ma thèse en mars 2014, j’ai été qualifié maître de conférences puis recruté à Paris II en 2015. Enfin, après avoir échoué une première fois en 2016, j’ai été reçu au concours d’agrégation de droit public en 2018, ce qui m’a donc naturellement amené à l’Université de Lorraine et à l’IRENEE !



1. Pourquoi avoir choisi Nancy ? L'Université de lorraine ?

Outre les charmes de la ville de Nancy et de la Lorraine (que je découvre progressivement), ce sont avant tout des raisons universitaires qui m’ont fait choisir la faculté de Nancy. Je suis tout d’abord très sensible à l’histoire attachée à cette Université, qui est ancienne et prestigieuse, et notamment au fait qu’elle ait accueilli des grandes figures de la doctrine juridique. Tout d’abord le grand François Geny, un juriste dont l’influence demeure aujourd’hui importante. Mais aussi Raymond Carré de Malberg, dont on oublie trop souvent la période « nancéenne ». Enfin, il existe dans cette faculté une tradition « constitutionnaliste » - ce qui importe beaucoup à mes yeux - dignement représentée par les travaux de François Borella et Stéphane Pierré-Caps.

 

2. Pourquoi le droit constitutionnel ?

Pour être tout à fait honnête avec vous, je me suis parfois ennuyé pendant mes études de droit. J’ai beaucoup aimé l’histoire du droit et tous les enseignements qui s’intéressaient plus spécifiquement à la « culture juridique » qu’à l’enseignement d’une « branche » du droit proprement dite. Je pense que l’étude du droit n’a de sens que s’il est mis en relation avec l’environnement qui l’entoure, social, intellectuel, politique. Or le droit constitutionnel m’a, dans cette perspective, comblé. C’est un droit original, atypique. A la fois intrinsèquement politique et porteur d’une aspiration proprement juridique. Le droit constitutionnel est, par excellence, un droit « chargé » politiquement, philosophiquement, historiquement. Cette rencontre, très fertile d’un point de vue intellectuel, du droit et du politique m’a passionné. De plus, il interroge également le droit lui-même en ce qu’il se manifeste souvent hors du cadre strict du droit positif, recourant à des formes de « normativité » différentes que celles auxquelles le juriste est habitué. Enfin, si j’ai choisi le droit constitutionnel, c’est aussi parce que j’ai eu quelques grands « maîtres », au premier rang desquels Olivier Beaud et Denis Baranger, qui m’en ont montré toute la richesse. Comme je l’évoquais précédemment, il faut revendiquer et nourrir ces filiations intellectuelles, qui constituent la plus grande richesse de nos Universités.

 

3. Avez vous des projets de recherches à venir au sein du labo ?

J’en ai beaucoup, évidemment, mais je dois avouer que je n’ai pas pu m’impliquer cette année autant que je le souhaitais dans la vie du laboratoire. J’ai été en effet un peu occupé par mes enseignements, ce qui est normal puisque rejoindre une nouvelle Université implique de préparer de nouveaux cours. Mais j’ai des idées et j’ai déjà pu échanger avec mes nouveaux collègues. Je n’ai aucun doute que tout cela se concrétisera dans un avenir proche sous la forme de projets qui, je l’espère, pourront intéresser l’IRENEE.

 

4. Si vous aviez un seul conseil à donner à nos doctorants, ce serait lequel ?

C’est une question difficile, d’autant plus que mes années de thèse ne sont pas si éloignées. Si je devais choisir, je les inciterais à être ambitieux. Je ne pense pas seulement à des questions de carrière. Je garde un souvenir attendri de mes années de thèse (il y a évidemment eu des moments difficiles…) car c’est un moment de liberté et d’épanouissement intellectuel. Ces années sont précieuses car elles permettent de se former intellectuellement, de se cultiver, de mieux comprendre son sujet, mais également le système juridique dans lequel il s’inscrit. Ceci implique de ne pas considérer la thèse comme un simple « exercice », qui constituerait seulement la première étape d’une carrière professionnelle. Il est important d’avoir quelque chose à dire, une idée à défendre, quelque chose à démontrer. Car, contrairement à ce que laissent entendre certaines approches excessivement « scientifiques » du droit, la doctrine doit participer à la vie et à l’évolution du droit. Elle ne doit pas perdre de vue cette ambition critique, qui est sa raison d’être et aussi sa principale force pour lutter contre une certaine forme de précarisation qui gagne l’Université. Mais je ne sais pas s’il s’agit là vraiment d’un conseil et il reste d’ailleurs à prouver que les doctorants en ont besoin !

 

Toute l'équipe de l'IRENEE lui souhaite la bienvenue !

Catégorie: 
Entretien

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