À la suite des réflexions menées lors d’une précédente journée d’études sur les nécessités démocratiques de s’appuyer sur une vérité commune et de préserver parallèlement la liberté d’opinion, nous nous sommes attelés à une étude complémentaire sur la faculté qu’a le citoyen de « tout simplement » penser et sur son avenir. En effet, certaines pratiques conduisent au potentiel engourdissement intellectuel des citoyens. Ce risque, qui fut sous-jacent à nos débats de cette journée d'études de ce 6 juin 2025, est dû à des facteurs multiples qui entament potentiellement la nécessité, la volonté ou la capacité des hommes à être des êtres pensants, et particulièrement des citoyens, c'est-à-dire des personnes qui se forgent leurs opinions en « toute connaissance de cause ». La liberté individuelle de pensée est consacrée dans les textes mais la protection de l’aptitude à penser n’est pas retenue, or celle-ci est indispensable à la qualité de la démocratie et à sa perpétuation.
Les différents intervenants, provenant de disciplines différentes (pédagogie, culture, communication, politique, philosophie ou droit), dans un exercice vivifiant de « remue-méninges », ont réfléchi aux moyens susceptibles d’être mobilisés afin de préserver la faculté humaine de penser et aux politiques publiques et réglementations qui sont ou seraient à même de protéger cette ressource naturelle indispensable à la survie d’une certaine humanité.
Les propositions se sont développées autour de trois axes. Le premier axe était celui de l’apprentissage « possible, et éventuellement juridiquement traduit » de la pensée critique et du discernement. Les acteurs de l’éducation, de la culture et des médias sont-ils à même, et de quelle manière, de contribuer au maintien sinon au développement de la faculté de penser ? Mesdames Chapelle, Sampaoli, Martel et Sonnac ont pris à cœur de nous éclairer sur cette possibilité et sur les enjeux qui la motive. Le deuxième axe était celui de la résistance « possible et éventuellement juridiquement traduite » de la pensée face aux atteintes avérées ou potentielles des neuro-technologies, des algorithmes des réseaux ou de l’intelligence artificielle. Madame Thomasset et Messieurs Déchaux et Pollmann se sont employés, à l’aide de propositions personnelles et étayées, à plus ou moins calmer nos inquiétudes à ce sujet. Enfin, élargissant la perspective, le troisième axe de nos échanges portait sur la conviction « possible et éventuellement juridiquement traduite » d’une nécessaire et démocratique protection universelle de la faculté de penser des citoyens. Madame Bourbon et Messieurs Hunyadi et Sohnle ont développé leur conviction sur le fait que « Penser » était une « ressource naturelle d’humanité » qu’il conviendrait dès lors de protéger et ont imaginé le droit susceptible d’être développé à cette fin.
Au terme de cette intense et riche réflexion commune, si diverses atteintes tendent à amoindrir la faculté de penser des humains/citoyens, les esprits mobilisés lors de cette journée d’études nous ont rassuré sur sa persévérance actuelle. Pour l’instant, l’esprit est encore là.
N.B.: Les contributions feront l’objet d’une publication en 2026.
Nous remercions l’ensemble des participants pour leur présence et pour le bel esprit qui les a animés :
Fabrice GARTNER, Doyen de la Faculté de droit de Nancy ; Gaëlle CHAPELLE, Coordinatrice pédagogique de la formation d’enseignants et Coralie SAMPAOLI, Doctorante (Université de Namur) ; Marie-Claire MARTEL, Juriste, Membre du Conseil économique social et environnemental ; Nathalie SONNAC, PR en sciences de l’information et la communication (Université Paris Panthéon-Assas) ; Laure THOMASSET, Enseignant-chercheur en Droit privé (Institut catholique de Paris) ; Marion BOURBON, Agrégée et Docteure en Philosophie, Chercheuse associée (Université Bordeaux Montaigne) et Mark HUNYADI, PR de philosophie sociale, morale et politique (Université catholique de Louvain) ; Fabienne GREFFET, PR en Science politique, Gildas RENOU, MCF en Science politique, Raphaël DÉCHAUX, MCF en droit public, Christophe FARDET, Christopher POLLMANN et Jochen SOHNLE, PR de droit public (Université de Lorraine/IRENEE UR7303).