CONFÉRENCE
LE PROBLÈME DE LA RIGIDITÉ ET DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION.
UNE APPROCHE THÉORIQUE À PARTIR DU DÉBAT ITALIEN
par Enrico GROSSO
Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Turin
Sous la direction de Stéphane Pierré-Caps, Directeur de l’IRENEE, Professeur de droit public, UL
Mardi 22 mars 2016
10h30-12h30
Salle des Assemblées
Campus Carnot/Ravinelle
13 place Carnot, 54000 Nancy
On peut formuler la notion de rigidité d’une constitution à partir de la notion d’ “acte de révision”. Si on se réfère seulement aux constitutions écrites, il s’agit de la mise en place d’une procédure qualifiée visant à adopter des actes capables d’amender la constitution et qui rend cette dernière « rigide ». La notion d’ « acte de révision » se définit par différenciation entre l’acte législatif ordinaire et l’acte du pouvoir constituant.
Les différences entre la loi ordinaire et la loi constitutionnelle ont un caractère formel et matériel. Sur le plan formel, elles concernent la procédure d’approbation des deux actes. Sur le plan matériel, les différences entre la loi constitutionnelle (légalement produite) et l’acte constituant (expression d’un pouvoir constituant) concernent la violation de la limite du contenu au delà de laquelle la loi de révision ne peut plus se présenter comme un acte d’exercice d’un pouvoir constitué et doit, par conséquent, être conçue comme un acte d’exercice d’un pouvoir constituant. C’est ici que se pose la question des limites (matérielles) de la révision constitutionnelle
Il y a donc une distinction entre révision constitutionnelle et pouvoir constituant.
La frontière matérielle entre la loi de révision et l’acte d’exercice du pouvoir constituant se manifeste lorsque l’on peut dire que la constitution interdit qu’une certaine révision soit adoptée. Cela peut se produire quand :
- Il y a des dispositions écrites dans la constitution qui expressément formulent une limite à la révision (limites textuelles explicites);
- Il y a des dispositions écrites dans la constitution à partir desquelles on peut déduire par interprétation l’existence de ces limites (limites textuelles implicites);
- Il y a la possibilité de déduire l’existence de ces limites d’une interprétation d’ensemble (systémique) de la constitution (limites « tacites » ou « non exprimées »).
Par conséquent, que faut-il entendre par cela ?
La distinction entre pouvoir législatif ordinaire et pouvoir de révision constitutionnelle entraîne l’introduction d’un contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires par rapport à la loi constitutionnelle. La distinction entre pouvoir de révision et pouvoir constituant amène à l’introduction d’un contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles.
Cela présuppose – si on estime que cette distinction produit des effets juridiques et ne se limite pas à la perte d’effectivité de la constitution précédente – la détermination de certaines conditions de légitimité, de certaines limites au pouvoir de révision juridictionnellement sanctionnables.
La distinction entre pouvoir de révision constitutionnelle et pouvoir constituant comporte donc toujours l’utilisation d’un critère matériel qui peut être utilisé par un juge (notamment le juge constitutionnel) pour distinguer ces normes « qui ne peuvent pas être violées » des autres (bien que – d’un point de vue formel – il n’y ait aucune différence entre les deux).