Bienvenue à Valentin LAMY, nouveau maître de conférences en droit public à l'IRENEE depuis le 1er septembre 2022 qui a répondu à nos questions à l'occasion de la Newsletter #15 - Automne 2022.
- Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Au fond, c’est l’histoire d’un long périple, depuis les rives de la Méditerranée, toujours un peu plus vers le nord. Mais je ne crois pas que vous entendiez « parcours » dans son seul sens géographique… Si on lui accole l’adjectif « universitaire », alors celui-ci est assez classique. Après avoir fait toutes mes études à la Faculté de droit d’Aix-Marseille, c’est dans cette même maison que j’ai entrepris la rédaction d’une thèse de doctorat en droit public, sous la direction du professeur Florian Linditch, en étant successivement doctorant contractuel puis ATER. Après ma soutenance de juin 2019, j’ai été qualifié aux fonctions de Maître de conférences dans la section 02. C’est là que mon parcours a pris un tournant plus délicat puisque j’ai échoué par deux fois au redoutable « tour de France ». Mais je ne regrette pas cette période, puisqu’elle m’a permis d’intégrer la Faculté de droit de Lyon 3 et son Équipe de droit public, en tant que chercheur postdoctoral. C’est sans doute là où j’ai appris le « quelque chose » qui me manquait, auprès d’une équipe formidable autant que soudée. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », disait La Fontaine : voilà qu’au troisième tour, je suis recruté à Nancy. Avec le petit recul que je peux avoir, je me dis que je pouvais difficilement mieux tomber. Je ne parle pas seulement du service qui m’a été confié - qui est idéal - mais aussi de quelque chose qui confine davantage au sentiment : je retrouve ici un peu d’Aix, un peu de Lyon ; surtout, j’y découvre avec plaisir beaucoup de Nancy.
- Pouvez-vous nous exposer vos travaux et projets de recherche ?
Mes spécialités sont le droit des contrats publics et le droit public des affaires, domaines dans lesquels s’inscrivait ma thèse relative à « la commune intention des parties dans les contrats administratifs » et vers lesquels se tournent d’autres recherches que j’ai pu conduire. Mais j’ai aussi beaucoup exploré, peut-être trop, des domaines qui ne faisaient pas a priori partie de mon « fonds de commerce », avec l’idée d’avoir une vision large du droit public : diverses branches du droit administratif, droit fiscal, droit du sport, contentieux administratif, rapports de systèmes… Aujourd’hui, je souhaite inscrire mes travaux à venir dans trois axes : le droit public des affaires, le droit public financier, découvert tardivement, mais pour lequel j’éprouve un intérêt certain, et le contentieux administratif, qui innerve beaucoup de mes travaux. Au-delà des domaines, je crois que mes travaux tendent à s’intéresser aux implications du phénomène d’intégration du droit public dans un univers juridique complexe. Ma thèse, déjà, portait sur l’étude d’une notion de droit civil en droit administratif, mais d’autres travaux s’inscrivent dans cette perspective de réfléchir à ce droit public, à ses structures parfois centenaires, en tant que plongés dans le « pluralisme (plus ou moins) ordonné » que décrivait Mirelle Delmas-Marty.
- Quels sont vos projets au sein de l’IRENEE ?
D’abord, de m’y intégrer. J’ai été très bien accueilli, mais je ne connais pas encore tous les collègues. Bientôt j’espère ! L’IRENEE me fait penser à ce que j’ai connu à l’Équipe de droit public de Lyon, un centre qui agrège toutes les subtilités du droit public tout en étant conscient de leur unité, ce qui transparaît parfaitement des axes de recherche du centre. Il y a toutefois une singularité : le centre est lorrain, il convoque et Nancy et Metz, deux Facultés de droit, ce qui me semble un atout très important qu’il ne faut pas hésiter à jouer. D’autant qu’alors que j’arrive à Nancy, Caroline Faure, ma grande amie, avec qui j’ai notamment préparé ce troisième tour de France, arrive à Metz. Il est trop tôt pour parler de projets déjà bien ficelés, mais pourquoi ne pas organiser une journée d’études ou un colloque ? Par ailleurs, nous avons la chance de nous trouver à quelques hectomètres de la Cour administrative d’appel de Nancy : très peu de facultés de droit ont un tel privilège géographique. Il serait peut-être intéressant de tisser des liens avec les juridictions administratives lorraines, afin de nourrir l’axe de recherche sur l’évolution de la fonction juridictionnelle dans l’État de droit contemporain.
- Si vous aviez un (ou des) conseil(s) à donner à nos jeunes chercheurs ?
Vu que, par définition, ils ont déjà entamé l’épreuve de la thèse, je ne peux que leur donner le conseil que m’avait donné mon futur directeur de thèse quand j’étais encore en Master 2 : « Surtout, ne faites pas de thèse ! ». C’était finalement, à la fois le meilleur et le pire des conseils. Le meilleur, parce qu’il faut garder à l’esprit que la thèse ne conduit pas nécessairement à la carrière universitaire, que dans le long cortège des brillants doctorants, nombreux sont ceux qui n’iront pas tout au bout du chemin : le nombre de postes de maîtres de conférences en témoigne à l’envi. De ce point de vue, ce chemin peut devenir le sentier de toutes les déceptions. Mais c’était aussi le pire, car quelle merveilleuse aventure intellectuelle que la thèse ! Ne pas être un tantinet inconséquent, lorsqu’on se demande si on y va, ou pas, et c’est un sentier de regrets qui peut se dessiner devant vous… Alors que faire, quand on l’a refusé, ce sentier des regrets et qu’on s’est engagé, de franc bon cœur, dans l’incertitude et le risque ? Ne pas vouloir être quelqu’un d’autre ! Ne pas faire monts-et-merveilles de cet objet qui impressionne et qui s’appelle thèse. Ce n’est pas l’œuvre d’une vie, alors ne pensez pas révolutionner la pensée juridique. Faites, honnêtement et scrupuleusement ce que vous voulez faire, sans prétention, ni certitude (le pire ennemi du chercheur), la thèse vous conduira là où elle devra vous conduire.