La Journée d'études des doctorants de l'IRENEE, traditionnel temps fort du début d'année académique du laboratoire s'est tenue le 21 Novembre dernier au sein de l'Université de Lorraine, à la Faculté de Droit, Sciences Économiques et Gestion de Nancy.
Comme chaque année un thème brûlant d'actualité est choisi par un groupe de deux ou trois doctorants pour être étudié. Et cette année le Numérique a été au cœur des débats. Sous la direction de Carlos ODJAGA, Moussa S. Yali SARR et Aboubacar Kader SANOGO, doctorants en droit public au sein de l'IRENEE.

Cette journée, riche en échanges, a été l'opportunité de présenter un cliché très actuel et pertinent des problématiques qui entourent la thématique des défis et acquis du droit public relativement aux libertés à l'ère du Numérique : Le droit public garantit-il un droit à l'oubli sur Internet ? La notion d'ordre public se métamorphose-t-elle à l'ère du Numérique ? Et l’Etat, comment se positionne-t-il face à une hégémonie digitale qui le défie sur ses prérogatives les plus régaliennes ? Et enfin, l'UE peut-elle protéger les droits et consolider les devoirs des individus dans ce contexte ? Autant de questions qui – après le mot d’accueil de M. Christophe Fardet, Directeur de l’IRENEE – ont parsemé les communications et les échanges de cette journée d'études qui a tenté de restituer le plus fidèlement possible la réalité des mutations juridiques, socio-culturelles, et sociétales qu'enclenche le Numérique à la fois sur les Libertés et sur le Droit Public. Mme Olivia TAMBOU, Maître de Conférences à l'Université de Paris Dauphine n'a pas manqué de le rappeler en introduisant magistralement cette journée. Spécialiste de la question, son propos a passé en revue toutes problématiques passées, actuelles et futures relatives au Numérique et aux Libertés.

Par la suite sur le terrain des acquis du Droit Public, Anne-Claire MANSION, après une correction sémantique et lexicale du terme "droit à l'oubli" – il faut plutôt parler de "droit au déréférencement" –, a démontré que des mécanismes juridiques existent pour protéger les droits des personnes sur la toile, mais qu'ils ont une portée limitée et une efficacité liée à une obligation de moyen. Ingrid HORDE, sur la même thématique nous a fait traverser la Manche pour nous faire explorer les spécificités de la Justice Britannique sur les mêmes questions : elle nous a expliqué comment le Juge britannique faisait avancer le droit et la jurisprudence grâce à une interprétation de l'article 8 de Convention Européenne de Sauvegarde des Droits et des Libertés Fondamentales de plus en plus centrée sur la protection des droits des victimes de "pornodivulgation".

L'Etat, les libertés individuelles et l’ordre public à l'ère du Numérique... Des notions et des réalités aussi indispensables les unes aux autres qu'irréconciliables. A. Kader SANOGO l'a expliqué en pointant du doigt le paradoxe de l'État qui tente de préserver l'ordre public - et donc les libertés de chacun sur la toile - en usant de moyens techniques et juridiques portant atteinte à ces mêmes libertés. C'est ensuite Aimoi N. MOUSSODJI-MATSANGA qui a proposé une réflexion soutenue sur le dispositif juridique mis en œuvre dans la lutte contre la cybercriminalité, lutte indispensable au maintien de l'ordre public.

L'hégémonie numérique pose également la question de la souveraineté de l'État, notamment quand les outils numériques viennent empiéter sur les compétences économiques et monétaires. Carlos ODJAGA a démontré que le Numérique a offert une opportunité aux individus de retrouver un "droit de battre monnaie » ; droit qui avait été cédé depuis longtemps à l'État et que celui-ci aura désormais pour défi de réguler. En outre, le Numérique peut également être un puissant instrument de manipulation et de contrôle dans un but politique. Yves-Alain KOUMBA a exposé les particularités liées aux élections législatives ou présidentielles en présentant des cas concrets et pertinents. Par ailleurs, Serigne M. Yali SARR a déplacé la thématique sur la scène communautaire avec l'exemple de l'UE qui tente de réguler le droit d'auteur sur Internet tout en tentant avec une réussite relative de préserver les libertés des utilisateurs.

Ce balayage pluridisciplinaire a permis non seulement de constater que la thématique est et restera d'actualité encore longtemps, mais aussi que cette journée demeurera incapable d'épuiser le stock de problématiques liées au Numérique et au Droit Public : un stock de plus en plus important et sans cesse renouvelé. Mme Valérie NICOLAS, Maître de Conférences à l'Université de Paris Nanterre le soulignera dans sa remarquable conclusion. Elle en profitera pour exhorter tout le Droit (Public et Privé) a des réflexions et des modes d'action communs face aux problématiques que pose la nécessité de préservation des Libertés à l'ère du Numérique. Les organisateurs n’ont pas manqué de remercier tout le Laboratoire de l’IRENEE, les invités et toutes les personnes présentes pour cette fructueuse journée d’études. La publication des actes de la journée est prévue pour l’année académique 2021-2022.